Vive la culture
Géographe de formation, depuis une quinzaine d’années Emmanuel Ruben emmène ses lecteurs sur les routes de l’Europe ou sur les bords de la Méditerranée, voyages pour lesquels on prend souvent le train (Halte à Yalta 2010, Terminus Schengen 2018), ou que l’on fait parfois à vélo (Sur la route du Danube 2019). Géographe et écrivain, Emmanuel Ruben s’est créé un double; Samuel Vidouble, qu’on retrouve dans son dernier roman Malville, pour lequel Emmanuel Ruben enfourche cette fois les codes du roman d’anticipation pour aborder un thème qui l’inquiète ; le nucléaire. Pour répondre à notre invitation, Emmanuel a posé son sac d’où il a sorti sa sélection. Une sélection irradiante.
Il y a cent ans, les poumons de Franz Kafka (Prague 1883 - Kierling 1924) cessèrent de fonctionner, entraînant un arrêt cardiaque fatal à l’auteur de La Métamorphose, Le Procès, Le Château,… des nouvelles et romans qui, malgré lui, en firent un des écrivains majeurs du XXe siècle, et probablement de ceux à venir.
«Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (...), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu (...) À toi de tout cœur. » — Franz Kafka.
Fidèle à notre habitude d’éclairer une œuvre plutôt que d’en proposer une exégèse, nous avons choisi cette douzaine d'œuvres en toute subjectivité. Kafkaïen on dit certains ?
La sortie en salle de Souviens-toi du futur a été l’occasion d’inviter le cinéaste Romain Goupil à faire sa sélection. Lorsque nous nous sommes rencontrés début octobre, venait de sortir sur les écrans Les Graines du figuier sauvage, de Mohammad Rasoulof. Son analyse du film fût l’occasion, pour lui, de nous livrer une profonde réflexion ponctuée de questionnements sur le cinéma, son rôle social, sur le cinéma militant, sur l’utilité de l’art en générale… dont nous aurions pu extraire une trentaine de titres. Ce qui est sûr, c’est que cette figure de Mai 68, grand militant s’il en est, ne confond pas cinéma et militance, même si les sujets abordés sont en parfaite adéquation avec ses convictions de citoyen. “Tout môme déjà, je vais refuser le cinéma militant et tout ce qui va illustrer un discours.” Pour Romain Goupil, le cinéma doit divertir ou amener à réfléchir par soi-même, pas à illustrer un discours. Une sélection en seize références pour essayer de faire le tour de la question.
La publication, en 1924, du Manifeste du surréalisme d’André Breton, permet, cent ans plus tard, d’en célébrer le centenaire… Cette pirouette pour expliquer que notre démarche n’a rien de l’exégèse d’un mouvement intellectuel et artistique protéiforme, aux ramifications nombreuses, complexes, aux acteurs venus d’horizons variés, un mouvement qui convoque le « changer la vie » de Rimbaud et le « transformer le monde » de Marx, le rêve et la psychanalyse. Ici, à côté de quelques incontournables, c’est l’envie d’une promenade buissonnière dans des œuvres et des personnalités moins attendues qui nous a animés, en toute subjectivité, il va sans dire.
Quand il empoigne la vie d’un personnage pour la mettre en scène, Youssef Daoudi ne le fait pas en moins de trois cents pages d’un dessin en noir et blanc puissant et onirique, que renforce une construction qui s’affranchit des cases pour mieux coller à son récit. Il faut dire que les sujets qu’il choisit ne manquent pas de coffre : Thelonious Monk, un des plus grands génies du jazz, Jack Johnson, le premier boxeur Afro-Américain champion du monde de boxe en 1909, et tout récemment Orson Welles, le plus shakespearien des réalisateurs américains. Quand nous lui avons proposé notre invitation, cet infatigable curieux nous a répondu : “Ah oui, et il faut féliciter les bibliothécaires qui nous font faire des découvertes ! ” Que dire de plus ? Merci !
“Le Surréalisme est le Rayon Invisible qui nous permettra un jour de l’emporter sur nos adversaires” écrivait André Breton à la fin du Manifeste, faisant ainsi du mouvement surréaliste un outil de lutte. En digne héritier, Damien MacDonald rejoue ce serment dans sa BD Le Rayon invisible, dans laquelle il appelle de ses vœux une nouvelle révolution surréaliste. “Le surréalisme est mon obédience. Je suis absolument persuadé que les combats écologiques, décoloniaux, contemporains nécessaires rejoignent complètement la ferveur révolutionnaire de Breton.” En attendant le parcours que nous préparons pour célébrer les cents ans de la parution du célèbre Manifeste, Damien MacDonald a accepté notre invitation à faire sa sélection. Nous en sommes enchantés.
Journaliste et réalisateur, Simon Fichet s’est embarqué dans une chasse un peu particulière, la chasse à la tornade. Plutôt, il a accepté, avec un peu de réticence, d’accompagner aux États-Unis un collègue pour suivre ces fameux chasseurs de tornades, ces monstres d’eau et de vent capables de balayer des quartiers entiers et d’envoyer balader des SUV de plusieurs tonnes, ou des toitures et les murs qui les soutiennent à plusieurs kilomètres. Tornade est un récit captivant, haletant, qui nous rappelle aussi qu’il ne faut jamais se lancer à l’aventure sans une réserve de rouleaux de scotch très résistant... Avant de repartir à l’autre bout du monde, Simon Fichet nous a confié sa sélection. Bon voyage.
Avec La Petite bonne, son premier roman à diffusion nationale après une trilogie sur l’histoire d’un village dans le Queyras pour un éditeur régional publiée en 2022, Bérénice Pichat a hissé l’histoire de ses trois personnages (une bonne, une gueule cassée de la guerre de 14 et sa femme) sur le haut de la pile des romans de la rentrée littéraire. Dans une langue limpide, fluide, rythmée par des passages en vers libres, Bérénice raconte les ravages de la guerre et ses conséquences qui n’en finissent jamais. Quelques heures avant son passage dans La Grande librairie, Bérénice a pris le temps de nous livrer sa sélection que nous partageons aujourd’hui.
Laurent de Wilde est un passeur. Certes c’est un musicien, talentueux et reconnu de surcroît, mais un pianiste qui enregistre des portraits musicaux d’artistes - Thelonious Monk, Charles Mingus - pour arte, qui anime une émission de radio quotidienne sur le jazz (sur Radio Classique), qui écrit des livres (École normale un jour, normalien toujours), est plus qu’un simple musicien. C’est un passeur. Il suffit de plonger dans la sélection qu’il a composée avec générosité pour s’en rendre compte. “Je suis un grand partisan des règles qu’on se donne de façon un peu sévère quand on travaille, règles qu’on doit surpasser.” Mission accomplie.
La rentrée littéraire a ceci d’intéressant, c’est qu’aux titres d’auteurs reconnus se mêlent ceux de romanciers à découvrir, ainsi que ceux dont on attend les œuvres pour confirmer l’intérêt qu’on a porté à leurs premiers textes. C’est le cas de Tiphaine Le Gall qui, après les très remarqués Une Ombre qui marche (2020) et Le Principe de réalité ouzbek (2022), publie La Fille près du feu, son troisième roman. Eric Chevillard dit de l’écriture de Tiphaine Le Gall : “ Une phrase belle, souple, pleine de petits nerfs sagaces. On dirait une belette.” Tiphaine Le Gall a accepté notre invitation, et nous a livré sa sélection dont elle dit : ” Parfois on se réfugie derrière des références pour masquer sa propre pensée”.
Frédéric Paulin a marqué les esprits des lecteurs de romans noirs, en 2018, avec La Guerre est une ruse (Prix des lecteurs au festival Quai du polar en 2019), le premier volet de la trilogie Benlazar dans la laquelle il retraçait la montée du terrorisme islamique, de la victoire du FIS en Algérie, jusqu’aux attentats de 2015 à Paris. Avec Nul ennemi comme un frère, roman époustouflant qui inaugure une nouvelle trilogie, c’est dans la guerre libanaise que Frédéric Paulin nous entraîne, dans le sillage d’une poignée de personnages amenés à se croiser au fil de l’histoire. Et contrairement au tatouage qu’il porte sur le bras, “The Future Is Unwritten”, les deux volumes à suivre sont déjà prêts et sortiront en février et septembre 2025. En attendant, Frédéric Paulin nous a livré sa sélection avec laquelle nous débutons cette nouvelle saison, et nous en sommes ravis.
La période estivale donne souvent l’occasion de découvrir des films qu’on n’attendait pas. Les Fantômes, projeté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes et salué comme une grande réussite, est de ceux-là et sortira mercredi prochain. Jonathan Millet a déjà réalisé plusieurs documentaires multi récompensés, dont Ceuta, douce prison en 2012, ou Et toujours nous marcherons en 2017, Les Fantômes est son premier film de fiction. De son expérience de documentariste il a gardé cette recherche d’un cinéma animé d’un rapport très sensoriel aux choses et à la profondeur de ses personnages qui créent dans son film d’espionnage une tension rare. Jonathan Millet a accepté de nous livrer sa sélection qui vient clôturer, en beauté, cette saison.
Avec huit albums depuis 1997, on ne peut pas reprocher à Françoiz Breut d’encombrer les devants de l’actualité. Chanteuse, compositrice, mais aussi illustratrice, celle qu’on pourrait raccrocher à une nébuleuse dans laquelle on retrouverait Dominique A, Yann Tiersen, Calexico, Louise Attaque… ces tailleurs de chansons aux univers si particuliers, Françoiz Breut donc, part sur les routes avec son album Vif ! dans ses bagages. Avant de partir, Françoiz a pris le temps de nous livrer sa sélection, et nous en sommes ravis.
“Pas de frontière entre les arts. Au contraire. Tous les gens dont je parle ici - et beaucoup, beaucoup d’autres - m’ont apporté quelque chose.” Avec la vie qu’il a menée, Jean-Yves Labat de Rossi pourrait mettre un paquet de scénaristes au chômage. Jugez-en par vous-même. Élève au petit séminaire, musicien « nez au vent », élève aux Beaux-Arts de Paris, musicien à Londres puis aux États-Unis où il sera le seul Français membre à part entière d’un groupe de rock américain, pionnier des synthétiseurs, ambianceur en Ouganda, producteur de musique sacrée à Notre-Dame de Paris, cofondateur du label de musique classique Ad Vitam. Et maintenant, écrivain. Alors qu’il vient d’attaquer l’écriture de son prochain livre, Jean-Yves Labat de Rossi a pris le temps de nous livrer sa sélection. Et nous en sommes ravis. Cerise sur le gâteau, il sera l’invité de l’émission À voix nue sur France Culture, à partir du lundi 17 juin.
Dimanche 9 juin, quelques 360 millions d’électeurs pourront glisser un bulletin dans une urne afin de choisir leurs députés. À cette occasion, c’est l’Europe de la Culture que nous avons voulu célébrer avec cette sélection exceptionnelle en quatre langues et en deux parties, des classiques comme des titres à (re)découvrir. Une vision subjective de la diversité et de la richesse des cultures des 27 États de l’Union. Bonne lecture à tous !
De la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1951, au Brexit en 2020, la Communauté européenne a connu bien des transformations, passant des six pays fondateurs (1957) aux vingt-sept États membres aujourd’hui. C’est pour renouveler (ou pas !) les 720 députés du Parlement européen (créé en 1979) qui représentent les 450 millions d’européens, que toutes les personnes en âge de le faire sont appelées à voter en juin. Comme tous ces chiffres manquent dramatiquement de poésie, c’est à l’Europe de la culture que nous avons décidé de consacrer cette sélection exceptionnelle de 27 œuvres, en deux parties (deuxième partie le 7 juin) et en quatre langues (nous avons fait le choix de laisser les références françaises pour les quelques titres non traduits dans les autres langues), sélection qui regroupe des classiques comme des titres à découvrir pour ouvrir en grand les portes de notre curiosité. Toutes nos sélections sont subjectives, celle-là encore plus que les autres !
Tous les ans, c’est la même histoire et tous les ans, on en redemande. On ? Les cinéphiles du monde entier qui, pendant dix jours, vivent au rythme de la présentation des films projetés en avant-première au festival de Cannes. Cette année, les sélectionneurs ont invité : des habitués de la Croisette (Woody Allen, Pedro Almodovar, les frères Dardenne, Ken Loach), une poignée de nouveaux venus, mais surtout ils ont ouvert la sélection aux films de genre avec pas moins de deux films fantastique-horreur-vampires. L’influence de George Miller, président du jury et père de Mad Max ? Premier tour de piste en attendant le début des festivités.
Les chauffeurs de taxi sont comme les barmen, les confesseurs ou les coiffeurs, on les paye pour un service, et en pourboire on leur laisse un morceau de nos vies. Calé sur la banquette arrière, à l’abri des regards, on se soulage d’autant plus librement qu’on ne recroisera jamais ces psys commis d’office. Ce confesseur de circonstance, qui connaît tous les recoins de sa ville, est une des figures qui a le plus irradié le cinéma et la littérature depuis l’invention du feu tricolore. Une figure qui nous a inspiré cette petite sélection subjective mais garantie sans émission de CO2. Vous avez un itinéraire préféré ?